Tout le monde deviendra designer
Aujourd’hui, le designer peut endosser plus rôles, plusieurs « casquettes », même si les fiches de postes sont régies par une intelligence sociale et créative. Les compétences du designer peuvent être polyvalentes et hyper spécifiques, nécessitant dans tous les cas plusieurs notions faisant partie intégrante du métier : de l’empathie, la définition de problème, l’illustration des solutions, de la négociation et de la persuasion. Le premier impact de l’Intelligence Artificielle (IA) sur notre société et sur les métiers qui la constituent, donnera la possibilité aux non-initiés, aux non-designers d’accroitre leur créativité et leurs compétences en intelligence sociale pour renforcer leur employabilité.
L’article « How Artificial Intelligence Will Redefine Management », apparu sur le site Harvard Business Review, donne quelques conseils pour se préparer à la venue des ia. Notamment, le conseil numéro 4 dit : « Work Like a Designer », travaillez comme un designer.
De ce fait, les designers n’auront plus le monopole d’être les personnes les plus « créatives » de l’entreprise. Les autres professions seront formées pour utiliser les différentes méthodes du design (tel que le design thinking, le lean UX, etc.). Pour rester compétitifs, les designers devront et auront besoin davantage de connaissances et d’expertises supplémentaires, menant potentiellement à des spécifications de plus en plus exotiques. Certaines villes n’hésitent pas aujourd’hui à monter une équipe dédiée aux problèmes climatiques et autres préoccupations en adoptant une conception centrée utilisateur. Même les facultés de médecine forment les futurs médecins au design thinking (1). Le design s’intègre alors dans d’autres disciplines et témoigne d’une pertinence plus large du design.
Le rôle du conservateur
Dans le secteur du jeu vidéo, l’implication d’intelligence artificielle a fait ses preuves depuis plusieurs années. Par exemple, le jeu « No Man’s Sky » repose sur un univers ouvert déterministe qui comprend des milliards de planètes. Le jeu n’a pas eu l’aura attendue étant donné qu’il était rempli de bugs, de nombreuses latences, etc. Cependant, il montre la direction qui finira par dominer le développement de contenus virtuels. Le rôle du designer sera de définir les objectifs, les paramètres et les contraintes, puis de revoir et d’affiner le produit généré par l’IA.
Autre exemple de jeu vidéo, « The Last of Us » est l’un des jeux d’action narratifs les plus populaires et les plus appréciés. Le succès du jeu repose en partie sur l’IA bâti à l’aide d’automates finis (Finite State Machines), qui permettent de structurer des comportements intelligents individuels sous forme d’états singuliers. Cela signifie qu’un personnage peut être en train d’attaquer une cible ou de chercher un endroit, jusqu’à ce qu’un événement se déclenche dans le jeu et force le personnage à passer d’un état à un autre.
Les techniques de conception générative ne sont pas nouvelles, en l’occurrence le deep learning est responsable de progrès importants dans le monde de l’IA. Notamment ChatGPT qui interagit de manière conversationnelle avec l’utilisateur, avec une incroyable rapidité et pertinence de réponses. Cette plateforme couplé à MidJourney par exemple, IA capable de créer des images à partir de textes (prompt) pourrait devenir encore plus puissant dans les réponses et les visualisations. Le designer devient alors un conservateur. À l’avenir, les designers formeront les outils d’IA pour résoudre les problèmes de conception en créant des modèles basés sur leurs préférences.
Stratégie de différenciation
Comme la conception paramétrique, basée sur l’IA permet aux dessinateurs de créer rapidement une multitude de variante de conception, on peut imaginer que la productivité de la plupart des dessinateur augmentera significativement. Il sera possible d’explorer un nombre considérables de directions alternatives, en fonction de nos besoins et préférences. Avec une productivité accrue et des logiciels plus performants, il sera plus facile pour les dessinateurs amateurs de créer un travail acceptable, voire exceptionnel, et d’exercer potentiellement une pression sur les prix des services de conception professionnels.
Mais alors que les obstacles à l’apprentissage et à la maîtrise du métier seront plus faibles, les designers auront eux aussi amélioré leurs compétences. Nous avons vu une tendance similaire dans l’impression et la conception graphique dans les années 90. L’arrivée des logiciels de publication assistée par ordinateur a permis aux non initiés de construire une édition, une affiche, un livre plus simplement. De ce fait, cela a augmenté la demande et la valeur du métier ainsi que la différenciation des meilleurs designers.
L’IA : une opportunité pour le design
A première vue, on pourrait dire qu’un grand nombre de personnes perdraient leur emploi à cause de l’automatisation de l’IA, mais en fait les métiers évolueront et devront évoluer rapidement sinon ils n’auront plus assez d’armes pour lutter contre l’implantation des différentes IA. A mesure où la réalité virtuelle, augmentée se développera, elle deviendra la nouvelle frontière d’opportunités pour les métiers du design.
Si nous mêlons capacités logiciels et compétences humaines, le duo Homme-machine deviendra un must have. Notre curiosité d’approfondir et d’adopter de nouvelles solutions informatiques est déjà grandissante depuis quelques dizaines d’années, mais nous cherchons d’autant plus aujourd’hui à amplifier cette créativité. Le rôle de l’IA sera là, pour suggérer des optimisations de performances, donnera une autre approche de la création. Les scénarios prospectifs seront ancrés dans notre réflexion et feront partis de notre quotidien.
L’IA ne menace finalement pas l’occupation du design, elle offre une opportunité que nous devrons construire et régir de garde-fous pour éviter toute perte de temps à demander à une IA : une nouvelle information, une méthode, une solution au problème, etc. Il faudra faire attention à ce que l’IA ne nous fainéantise pas (trop). Notre dépendance, déjà bien connue, aux smartphones (2) devra être contrôlée pour se protéger contre toute tentation d’aller « trop vite », de conclure trop rapidement, ou encore de ne se fier qu’au premier lien cliqué sur une recherche google.